Donald Trump président des États-Unis : les cinq raisons qui ont conduit à son élection
Sans aucune expérience politique, annoncé battu dans les sondages, Donald Trump a pourtant réussi à l’emporter dans la course à la Maison-Blanche.
- Le rejet des élites
La simple observation de la carte électorale en dit beaucoup sur cette élection présidentielle et, plus généralement, sur l’Amérique d’aujourd’hui. Hillary Clinton a remporté la majorité des États du nord-est du pays et tous ceux de la côte ouest, en plus d’un traditionnel bastion démocrate, l’Illinois, du Connecticut et du Nouveau-Mexique. Tous les autres États, ceux du cœur du pays, ont voté pour Donald Trump. La césure entre les côtes (qui regroupent les élites politiques et financières) et le reste des États-Unis semble désormais profonde et Donald Trump s’est engouffré dans la brèche, ne cessant d’en appeler lors de ses meetings au réveil des laissés-pour-compte et de la majorité silencieuse, contre le système dans son ensemble, les caciques du parti démocrate, les élus de Washington, mais aussi les médias et les instituts de sondage.
« Donald Trump a décidé de faire de ce scrutin un référendum sur les élites », a estimé Benjamin Haddad, chercheur à l’Hudson Institute, sur Europe 1. « Le taux de popularité des hommes politiques, des médias (dont plusieurs avaient ouvertement appelé à voter Clinton), sont à leur plus bas depuis la Seconde Guerre mondiale. Et tout le message populiste et anti-élites de Donald Trump est centré là-dessus. » Un chiffre traduit jusqu’à l’excès cet état de fait : les résultats dans la capitale fédérale, Washington, où ils ne sont qu’un peu plus de 4% d’électeurs à avoir voté pour Trump contre plus de 90% à Clinton…
- Un discours simpliste mais fédérateur…
Donald Trump a fait de son handicap supposé – le manque d’expérience en politique – un atout : celui d’être légitime pour être la voix des « autres », quand bien même il s’agit d’un magnat de l’immobilier, milliardaire. Même Marie-Monique Steckel, directrice de l’Alliance française à New York et soutien d’Hillary Clinton, reconnaît que Trump a réussi à jouer le rôle de porte-voix. « Les électeurs de Donald Trump ont le sentiment d’être restés sur le rivage. Les rivières sont passées devant eux, ils ne naviguent plus, se sentent délaissés, et avec Donald Trump, ils ont eu le sentiment que quelqu’un parlait pour eux », a-t-elle considéré au micro d’Europe 1.
La voix de Donald Trump, franche du collier, parfois carrément vulgaire, et tranchant nettement avec les codes habituels, a même porté dans des bastions démocrates historiques, comme le Michigan, où les deux candidats, très proches l’un de l’autre, n’ont pas pu être encore départagés. « Le Michigan est un État industriel avec une classe ouvrière blanche qui souffre des inégalités, des délocalisations. Ce sont des sujets qui ne sont pas du tout abordés aujourd’hui dans l’élite américaine », précise Benjamin Haddad. « Et Donald Trump, avec son discours isolationniste, protectionniste et xénophobe, a surfé là-dessus. »
- … qui a plu à l’Amérique blanche et rurale
S’il est battu par Hillary Clinton dans les couches les plus populaires, Donald Trump a néanmoins largement progressé par rapport au score réalisé par Mitt Romney il y a quatre ans selon les sondages sortis des urnes publiés par le New York Times (+ 16 points pour les personnes payées moins de 30.000 dollars à l’année, soit 27.190 euros) et recueille deux tiers des scrutins des personnes blanches sans diplôme universitaire. Le candidat républicain réussit un score équivalent dans les villes de moins de 50.000 habitants et en milieu rural.
« La participation des Blancs dans l’Amérique rurale a explosé », s’est étonné auprès de l’AFP Larry Sabato, professeur de sciences politiques à l’université de Virginie, tandis que celle des Noirs et des jeunes, une nouvelle fois favorables aux démocrates, a faibli. Donald Trump, champion de la « white trash » américaine ? Un peu, oui.
- La montée des peurs
Tout au long de sa campagne, Donald Trump a su capitaliser sur la tentation au repli qui gagne les peuples et qui s’était déjà exprimée en juin dernier lors du vote sur le « Brexit ». « C’est une histoire de peur du changement, peur de l’autre, peur de la contamination culturelle », commente Jeremy Shapiro, directeur de recherches au European Council on Foreign Relations. Tous les partis dits populistes en Europe et dans le monde se retrouvent sur bien des points : la critique du « politiquement correct », leur détestation des « élites » politiques et financières et un ennemi commun, la mondialisation. Ce fut là la feuille de route de Donald Trump durant sa campagne.
John Judis, auteur de L’explosion populiste, estime que la situation économique depuis la crise financière mondiale a été le terreau de ce repli identitaire : « Le ralentissement combiné à la montée des inégalités crée beaucoup de ressentiment » contre ceux qui gouvernent. Et ce ressentiment s’accompagne de craintes face aux flux migratoires et à la menace terroriste, qui s’est accrue aux États-Unis, après les attentats de San Bernardino en décembre 2015 et d’Orlando en juin. Des drames que le candidat élu a largement évoqués dans ces discours.
- La défiance vis-à-vis d’Hillary Clinton
L’anecdote est rappelée dans un papier de l’AFP. En février dernier, alors qu’un journaliste lui demandait si elle avait toujours dit la vérité aux Américains, Hillary Clinton avait répondu : « J’ai toujours essayé ». Un aveu sans doute proche de la réalité mais loin, si loin, des réponses tranchées (et parfois des mensonges) de son adversaire Donald Trump, qui aurait très problablement répondu « oui » sans réfléchir. Et emporté l’adhésion. L’Américain moyen ne s’est jamais reconnu dans cette avocate de formation qui a occupé les postes de Première Dame, de Sénatrice de New York et de Secrétaire d’État. Plutôt que cette longue expérience, qui lui a permis de dominer son adversaire lors des trois débats présidentiels sur le fond comme sur la forme, les Américains ont vu la femme de pouvoir aux affaires depuis un quart de siècle. Et opté pour le changement, coûte que coûte.
L’affaire des e-mails a en outre pesé sur sa campagne, malgré les volte-faces du FBI, qui a décidé in fine de ne pas engager de poursuite à son encontre. Donald Trump en a rapidement fait son affaire, surnommant la candidate « Crooked Hillary », « Hillary la crapule ». Certains observateurs ont rapidement reconnu mercredi qu’ils avaient pu se méprendre sur la profondeur du ressentiment envers l’ancienne Première dame, que beaucoup perçoivent comme un membre corrompu des élites de Washington. « Je ne me rendais vraiment pas compte à quel point les divisions étaient profondes », a admis le stratège démocrate Paul Begala sur CNN. Quant au vote féminin qui devait porter Hillary, il n’a pas eu lieu. Chez les femmes, le vote démocrate n’a progressé que d’un point par rapport au score de Barack Obama en 2012.
- Le mauvais calcul de Barack Obama
Le président sortant a-t-il été trop confiant ? Omniprésent dans la campagne de son ancienne Secrétaire d’État, Barack Obama a multiplié les soutiens, en famille ou non. Selon Roger Cohen, éditorialiste au New York Times, il a lui aussi une part de responsabilité dans la défaite. « L’ingérence directe, personnelle, du président américain dans la campagne, était mal placée. C’était exagéré, et à la fin inacceptable », a-t-il souligné sur Europe 1. Professeur à l’université de Columbia et proche du couple Clinton, Irene Finel-Honigman considère que la candidate démocrate a fait une erreur en présentant son mandat comme le troisième de Barack Obama.
« Même si Obama est populaire, il y a aussi énormément de sentiments contre lui », a-t-elle relevé sur Europe 1. « (Le programme d’assurance-santé) ObamaCare a créé beaucoup de problèmes et de difficultés. » Les morts violentes de jeunes noirs et les émeutes qu’elles ont entraînées ont en outre apporté la preuve que la présidence Obama n’avait pas réglé certaines fractures sociétales.
Source : Europe 1