A student from the University of the Witwatersrand explains the self HIV testing kit, in Hillbrow, Johannesburg, on March 19, 2018. - Self-testing kits and vending machines distributing prescription drugs are two ways that HIV treatment is being automated to reduce stigma in South Africa, home of the world's biggest HIV epidemic. (Photo by MUJAHID SAFODIEN / AFP)
Sida, les nouvelles armes de l’Afrique (2). Cette région du continent est trois fois moins touchée par le VIH que l’est et le sud, mais la stigmatisation reste un frein puissant au dépistage.
Propos recueillis par Haby Niakaté
Dans la lutte contre le sida, les pays d’Afrique de l’Ouest et centrale sont à la traîne. Un constat sur lequel les organisations internationales ne cessent de tirer la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois. « Les niveaux de dépistage, de traitement et de réduction de la charge virale au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ainsi qu’en Afrique de l’Ouest et centrale sont considérablement en retard », indique ainsi le récent rapport d’Onusida « Savoir, c’est pouvoir », publié ce 22 novembre.
Pour tenter d’y remédier, l’ONG française Solidarité thérapeutique et initiatives pour la santé (Solthis), en partenariat avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD) a lancé en juillet le projet Atlas (pour Autotest, libre d’accéder à la connaissance de son statut VIH), financé par l’agence Unitaid. Une initiative qui prévoit la distribution massive, début 2019, d’autotests de dépistage. Clémence Doumenc-Aïdara, directrice régionale du projet, en explique l’urgente nécessité. Entretien.
Clémence Doumenc-Aïdara L’idée qui sous-tend ce projet est de faire de ces trois pays des piliers, sur lesquels nous pourrons ensuite fédérer d’autres pays de la sous-région. Plusieurs critères ont été pris en compte : le volume de population, le taux de contamination du VIH, le niveau de connaissance du statut sérologique des personnes vivant avec le virus, notamment. Mais, au-delà des aspects épidémiologiques, il s’agissait aussi de sélectionner des pays dont les stratégies nationales pour la santé comprenaient déjà un certain nombre de fondamentaux dans l’autodépistage.
Nous sommes dans la phase d’acquisition des autotests, d’adaptation des notices aux pays de la région et de formation des équipes. La distribution devrait démarrer en mars 2019 et durer trois ans. Une période au cours de laquelle nous comptons en donner 500 000, dont 300 000 rien qu’en Côte d’Ivoire.
Il s’agit d’un autotest oral qui ressemble aux tests de grossesse classiques vendus en pharmacie. Il contient une petite spatule qu’il suffit de tremper de salive et qui réagit ensuite à une solution chimique au bout de vingt minutes. Si le résultat est positif, il est très important de se diriger dans un centre de santé pour faire un test sanguin de confirmation, afin d’être « enrôlé » le plus rapidement possible dans le processus de traitement. Cet autotest, qui a un taux de 95 % de sensibilité, est très fiable et a été préqualifié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Non, cette technologie n’est adaptée ni aux enfants, ni aux aux nouveau-nés.
La réalité, c’est que le nombre de personnes contaminées [taux de prévalence] par le VIH est plus fort en Afrique de l’Est et australe, et que cette zone a rapidement fait de la lutte contre le sida une priorité en mobilisant des ressources financières et humaines. Dans certains des pays, beaucoup de gens font un dépistage chaque année, c’est presque entré dans les habitudes.
L’Afrique de l’Ouest et centrale est quant à elle marquée depuis de nombreuses années par des enjeux différents : de multiples priorités sanitaires, des systèmes de santé relativement faibles, un environnement politique et sécuritaire instable, des ressources limitées. Certes, la prévalence est moindre [19,6 millions de personnes vivent avec le VIH en Afrique de l’Est et australe en 2017, contre 6,1 millions en Afrique de l’Ouest et centrale] mais elle est fortement concentrée au sein de populations clés : les homosexuels, les personnes prostituées, les usagers de drogues, notamment, qui sont stigmatisées, voire encore criminalisées dans certains pays.
Tout à fait. La stigmatisation des personnes vivant avec le VIH y est encore tellement forte qu’elle constitue une barrière importante à l’accès au dépistage et aux soins. Ce qui explique, en partie, que, dans cette région, presque la moitié des personnes séropositives ignorent qu’elles le sont.
L’autotest est l’une des réponses à ce problème. Ce n’est pas une baguette magique, mais il va permettre de cibler des gens qui, jusque-là, n’étaient touchés par aucun dispositif existant.
Prioritairement les personnes qui n’ont jamais été dépistées, celles qui ne peuvent ou ne veulent pas aller se faire dépister de manière classique. Les fameuses populations clés.
Pour les atteindre, les autotests seront distribués dans des centres de santé publics et communautaires, aussi bien en milieu urbain que rural. En Côte d’Ivoire, par exemple, nous concentrerons nos efforts dans les zones les plus touchées, celle du sud-ouest du pays et celle d’Abidjan, la capitale économique.
Nous demanderons aux personnes dépistées d’être des relais et d’effectuer une distribution secondaire, voire tertiaire, à leurs partenaires, clients, collègues ou amis.
Ce que l’on peut retenir des expériences de distribution d’autotests dans d’autres parties du monde, y compris en Afrique de l’Est et australe, c’est qu’il n’y a eu quasiment aucun effet direct négatif, comme par exemple des réactions tragiques suite au résultat du test. Lorsque les personnes acceptent de faire un test ou un autotest, elles sont déjà conscientes d’avoir pris des risques et sont donc préparées à l’éventualité que le résultat soit positif.
Source : Le Monde Afrique