Environnement

SOS pour l’environnement

Nul ne peut le contester, notre pays est vraiment sale. Le Sénégal est envahi par des déchets de toute nature aussi bien les villes que les villages. Notre espace vital est agressé chimiquement et visuellement et est devenu invivable et la situation s’aggrave d’année en année. C’est le moment de lancer un SOS environnement pour alerter les autorités et les citoyens.

Un tour à Kaolack offre au visiteur un spectacle ahurissant et désolant. Le bras de mer qui sépare les communes de Kaolack et de Kahone est un dépôt sauvage de sachets en plastiques et divers autres déchets solides et liquides qui constitue une agression visuelle participant en plus à l’enlaidissement de Kaolack si dynamique économiquement. Les populations de cette zone hyperpolluée vivent l’enfer sur terre. Une odeur cadavérine provenant de la putréfaction des déchets pollue en permanence l’air que respirent ces Kaolackois. Vivre dans les maisons qui jouxtent le bras de mer de la ville, du Pont Noirot (route de Nioro) à l’entrée de Médina Baye, est un calvaire que seules les victimes peuvent décrire. Les autres entrées de Kaolack offrent le visage d’une ville désertée par ses habitants.

L’état de pollution de Kaolack est pratiquement identique à celui des autres villes sénégalaises notamment les capitales régionales. En termes de pollution, Saint Louis est le verso d’un même médaillon où se trouve Kaolack en position recto. L’ancienne capitale du Sénégal est une des villes les plus polluées du pays. Cette belle ville qui fait rêver ne mérite pas ça.

Environnement pestilentiel
Un tour à Rufisque va montrer au plus septique que notre Sénégal est très sale. Sur le chemin Kaolack-Rufisque, on peut se désoler du spectacle qu’offrent les villes de Fatick, Thiadiaye, Mbour ainsi que les communes de NGuékhokh, Sindia et Diass. C’est renversant en termes de d’agression de l’environnement. Un touristique qui fait ce parcours pour la première fois n’aurait certainement plus envie de reprendre la nationale 1.

Arrivée à Rufisque, le spectacle en termes de pollution est indescriptible. C’est désolant et décevant pour un pays indépendant depuis 56 ans. Le canal à ciel ouvert de cette ville historique est un désastre environnemental. Quand on n’est pas de Rufisque, on peut se demander comment vivre dans cet environnement pestilentiel où cohabitent toute l’année, chats, mouches et moustiques.

Quel gâchis. Rufisque, une si belle ville, avec des plages aux sables fins et blancs tant recherchés par les touristes, avec une histoire glorieuse, ne mérite pas ça.

J’ai appris avec un extrême plaisir la décision du Chef de l’Etat de s’occuper du canal ouvert de Rufisque, le canal qui symbolise l’échec d’une certaine politique. Je souhaite que le Président de la République fasse plus pour cette ville en termes d’assainissement et d’infrastructures pour que Rufisque retrouve la place qui est conforme à son histoire et à ses potentialités économiques et culturelles. Les plages de la ville doivent être réhabilitées pour que les Rufisquois, les touristes et les visiteurs reprennent le chemin de ces lieus de repos et de loisirs. La ville devrait bénéficier des mêmes faveurs accordées à d’autres villes telles que la commune de Mbour et sa banlieue. Des infrastructures hôtelières ont de la place à Rufisque qui est potentiellement une ville touristique et culturelle.

Après Rufisque, un tour à Dakar, la capitale du Sénégal, va permettre de constater encore une fois que notre pays est très sale.

Les départements de Dakar et de Pikine hébergent des bombes écologiques qui menacent la santé des populations de la région de Dakar et même du Sénégal.

Des canaux à ciel ouvert dans la capitale sénégalaise est véritablement inacceptable pour des raisons de santé publique mais aussi parce que c’est la capitale du Sénégal, la porte de l’Afrique de l’Ouest. Les canaux de Dakar présentent le même niveau de dangerosité, de pollution et de nuisance que celui de Rufisque. Il urge que les autorités s’attaquent à cette anomalie environnementale de notre belle capitale. Des canaux ouverts, desquels se dégagent des odeurs nauséabondes n’ont pas leur place dans l’ancienne capitale de l’AOF, 56 ans après notre indépendance.

Au cœur de Dakar, dans un espace non aedificandi, il y a la station d’épuration de Cambérène. En passant devant elle, on est obligé de se boucher les narines tellement l’odeur dégagée par l’infrastructure d’épuration et les eaux ruisselantes est insupportable. Sous dimensionnée, la station de Cambérène ne peut pas traiter toutes les eaux usées de Dakar. En conséquence, ces eaux chargées ruissellent dans cette zone avec une nappe phréatique affleurant. Que c’est dangereux pour ceux qui utilisent les eaux de la nappe phréatique. Cet espace qui aurait dû être un des pouvons verts de Dakar est devenu un scandale écologique par l’irrespect des normes en vigueur en matière d’assainissement. La mise aux normes de la station de Cambérène et la construction d’autres infrastructures d’épuration constituent une nécessité vitale pour des raisons de santé publique et de respect du cadre de vie des habitants de Dakar. Des projets existent certes mais la cadence est trop lente compte tenu de l’urgence qu’exige la situation.

Concernant la décharge de Mbeubeuss, nul n’ignore que c’est la bombe écologique la plus redoutable au Sénégal. Tout a été promis et dit sur cette décharge qui ne répond pas aux normes environnementales les plus élémentaires. Elle a pollué et continue de polluer la nappe phréatique de son aire géographique. Qu’attend-on pour s’attaquer à cette décharge qui a déjà fait beaucoup de dégâts ?

Notre pays est très sale
Une troisième bombe écologique se trouve à la sortie de Touba, sur la route de Linguère. Le paysage est indescriptible, inimaginable et choquant. Tous les jours, des centaines de camions viennent déverser des milliers d’hectolitres de boues tirées des fosses septiques de la sainte ville. Touba la sainte ne mérite pas d’avoir à son flanc un lac de boues que je ne souhaite pas décrire avec des détails. La ville qui est sous l’autorité du vénéré Serigne Sidy Mokhtar Mbacké ne doit plus s’accommoder d’une station d’épuration à ciel ouvert. La priorité actuelle de Touba et de ceux qui aiment Touba devrait être aussi son assainissement. Au rythme de croissance exceptionnelle de la population de la sainte ville, la Commune de la Touba, en collaboration avec l’Etat du Sénégal, doit, sans délai, s’attaquer à la station d’épuration en plein air de la route de Linguère. Pour préserver la santé des habitants de Touba et des pèlerins, la construction d’une station d’épuration respectueuse des normes est une exigence à court terme.

Le Sénégal a de réels problèmes d’assainissement, de collecte et de traitement des ordures. Le visage qu’offre Dakar et les grandes villes du Sénégal est révoltant et inadmissible. Des tas d’immondices et des tas de gravats, des sachets, des débris de seaux et de chaussures en plastiques, des ordures ménagères de toute nature, des cadavres servent de décor à l’entrée et à l’intérieur de la plupart des villes du Sénégal. Tout a été essayé par l’Etat pour rendre nos villes propres. Des sommes colossales sont annuellement mobilisées depuis des années mais nos villes sont toujours de plus en plus sales. Le rythme de production de déchets de la société sénégalaise impose à l’Etat de trouver une solution au plus vite à ce problème. Si on ne maitrise pas à court terme la collecte et le traitement des ordures (ménagères, industriels et médicales) le Sénégal pourrait devenir invivable avec de réels risques sanitaires pour les populations. En effet, la production de déchets est corrélée au nombre d’habitants d’une ville ou d’un pays. De 1960 à 2016, la population sénégalaise est passée de 3 millions à 14 millions d’habitants. La production de déchets dans notre pays a augmenté en conséquence de plus de 450%. C’est cette augmentation vertigineuse de la production de déchets qui explique la transformation du visage de nos villes qui sont devenues des dépôts d’ordures sauvages. Si la gestion des déchets ne s’améliore pas rapidement, notre pays pourrait offrir au monde un visage répulsif.

Le Sénégal n’est pas seul dans cette situation d’envahissement de ses villes par des ordures en augmentation continue. Selon les estimations de la Banque Mondiale, chaque ville de l’Afrique de l’Ouest produit annuellement en moyenne 300 000 tonnes de déchets et seuls 40 à 60% de ceux-ci sont collectés.

L’Etat du Sénégal et les collectivités locales ont tout tenté pour juguler la problématique des déchets. Plusieurs entreprises ont été créées à Dakar et ailleurs depuis les années 1960 pour assurer le ramassage des ordures. Ces sociétés ont toutes disparu sans régler le problème des déchets dans nos villes et dans nos campagnes. Des chevaux ou des ânes tirant des charrettes sillonnant les quartiers de la ville de Dakar ou des autres villes pour ramasser des ordures n’est pas un signe de progrès dans la gestion des déchets. L’utilisation de la traction animale pour ramasser les ordures dans nos grandes villes est un signe flagrant d’impuissance et d’échec dans la collecte des ordures ménagères.

Station d’épuration à ciel ouvert
Au-delà des moyens à mobiliser et des structures à mettre en place pour la collecte et le traitement des déchets, il est fondamental de sensibiliser les populations pour qu’elles aient un comportement responsable face leurs déchets. Les consommateurs doivent arrêter de jeter leurs déchets n’importe où. De sa voiture ou de sa moto, jeter une canette de boisson vide, des emballages usagers ou autres déchets est tout simplement irresponsable et inadmissible. Jeter des cadavres ou autres déchets dans les canaux à ciel ouverts ou d’évacuations des eaux résiduaires est un acte non citoyen condamnable. Voler les couvercles des bouches d’égout est un acte de banditisme inacceptable et les acheteurs de ces fers volés qui sont des receleurs doivent être recherchés et traduits devant les tribunaux. Les services compétents de l’Etat savent où se trouvent ces receleurs.

De son côté, l’Etat doit favoriser un comportement citoyen des populations en mettant à leur disposition des poubelles au bon endroit avec un cycle de ramassage régulier. La collecte des ordures doit être régulière pour que le dispositif fonctionne bien.

Il est admis que l’essentiel des ordures ménagères est récupérable, surtout au Sénégal. Comme cela se fait ailleurs, le tri des ordures doit être envisagé à court terme. La création de station de tri des ordures ménagères permettrait de créer des milliers d’emplois et changerait le visage de nos villes et villages.

Prérogative exclusive des collectivités locales
En matière de protection de l’environnement, le gouvernement ne peut pas tout faire. Les citoyens doivent s’impliquer au coté de l’Etat pour engager le combat visant l’éradication des dépôts d’ordures sauvages et rendre nos villes propres et accueillantes.

La gestion des ordures devrait être une prérogative exclusive des collectivités locales. L’expérience a montré toutefois que les maires n’ont pas souvent les moyens et la compétence technique pour ce genre d’exercice. Pour ces raisons, l’Etat a fait le constat et a pris la décision de gérer lui-même les ordures ménagères malgré les protestations véhémentes de certaines autorités municipales.

Le caractère sensible de la gestion des ordures fait que les Ministres ne montrent pas en général un enthousiasme débordant à prendre en charge la gestion des ordures. C’est pourquoi cette compétence valse de Ministère en Ministère. Il me semble justifier et crédible la création d’un nouveau département ministériel pour prendre en charge la gestion des ordures et autres déchets.

L’envahissement des villes sénégalaises par des déchets de toute nature a dépassé le seuil de l’acceptable et du tolérable, il faut agir vite maintenant.

Concernant l’assainissement, des efforts louables ont été notés par ci par là depuis quelques années avec le professionnalisme de l’ONAS mais il reste beaucoup à faire. Les canaux ouverts doivent disparaitre du paysage de nos villes et des stations d’épurations doivent être construites dans toutes les capitales régionales ainsi qu’à Touba et à Mbour. Tous les citadins doivent bénéficier d’un raccordement au réseau d’assainissement urbain. C’est une exigence normale et minimale des citoyens.

En matière d’assainissement urbain, un travail prometteur est en train d’être fait mais le retard du Sénégal en ce domaine est si important que la situation nécessite l’accélération de la cadence.

Pour offrir aux Sénégalais un cadre de vie conforme à leur aspiration, un conseil présidentiel sur le thème pourrait être envisagé courant 2017. Cette occasion permettrait de faire l’état des lieux de la pollution chimique et visuelle de nos villes et de nos campagnes. Des recommandations tirées des forces et faiblesses de la politique de l’Etat en matière d’assainissement, de collectes et de traitement des ordures constituerait l’ossature de la nouvelle politique visant à offrir aux sénégalais un meilleur cadre de vie.

* Les intertitres sont de la rédaction
Par Pr Demba Sow

Biologiste
Ecole Supérieure
Polytechnique UCAD

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